Rain of memories [Pv; Blade]

Bien que l’été soit bel et bien présent, parfois, le mauvais temps venait encore montrer le bout de son nez. Tout comme aujourd’hui. Alors que le temps avait été plus au moins radieux au début de l’après-midi, il tombait à présent des litres d’eau. Bien nombre de personnes avaient ainsi été surpris par l’arrivée soudaine de la pluie. Shin faisait partie de ces personnes. Pourtant, habillé d’un simple jean foncé et d’une fine veste noire, il ne s’était pas pressé comme les autres l’entourant. Il n’avait pas couru se réfugier. Non, il avait continué sa route comme si de rien n’était. Naturellement, il s’en retrouvait à présent trempé de la tête au pied. Mais ce n’était que de l’eau après tout.

Arrivant petit à petit à l’université, il remarqua l’absence de monde. Cela ne le désolait point. Il était notamment dans une chambre à quatre, entouré du matin jusqu’au soir d’autres étudiants. Bien que solitaire par moment, Shin savait parfaitement se fonder dans la foule. Mais pas aujourd’hui. C’est comme s’il s’était réveillé en sachant qu’il allait pleuvoir. Un mauvais jour, un de plus. Il aurait, d’une certaine façon, préféré rester dans son lit. Fainéantise soudaine ou symptôme de dépression, mais il aurait été tellement mieux dans le pays du sommeil. Une fatigue bien présente le suivait déjà du petit matin. C’était un sentiment aussi désagréable qu’inversement agréable. Alors qu’il avait l’impression de se promener avec un poids énorme sur les épaules, d’un autre côté il voulait pouvoir fermer les yeux pour ne plus jamais les ouvrir. C’était de ces pensées dangereuses qu’il ne fallait, selon certains dires, pas avoir.

Arrivant près du préau, Shin s’approcha d’un des pillards et vint s’appuyer contre ce dernier. Ses vêtements et ses cheveux lui collaient à la peau, chose pourtant assez désagréable mais qu’il ne remarqua point. Perdu dans ses pensées, il ne pouvait qu’observer la pluie tomber. Se rappelant avec nostalgie de jours lointains, d’un passé plus précieux que le présent. Bien que ses yeux ne trahissent pas la tristesse qu’il pouvait ressentir, n’importe qui pourrait à cet instant, d’un simple regard, se douter que quelque chose n’allait plus. Et qui sait, même voir qu’il n’était qu’une coquille vide privé de son âme. Un mauvais coup pour la réputation, d’un certain point de vue. Fallait-il aussi en avoir une, car pour l’instant, il n’était qu’un des étudiants sans plus. Et pour lui, qui avait grandi dans les rues entouré de malfrats, il était clair que l’université ne comptait en ses murs pas que de simples citoyens modèles. Mieux valait-il alors garder profil bas ? Ce n’était pas en son caractère. Et peut-être que pour finir, ce mélange de danger et d’ignorance finiront par avoir raison de lui.

Vaguement, Shin vint se demander s’il serait venu de sa propre initiative. Non, il n’avait jamais été du genre à apprécier les cours et tout ce qui s’en suit. D’ailleurs, il n’était même pas sûr de rester bien longtemps. Pourtant, c’est bien le seul endroit qui ne lui rappelle pas le passé. Mais pouvait-il réellement oublier ? Non, il ne pourrait pas. Cette simple idée ne lui plaisait pas du tout. Il était tellement égaré, tellement perdu dans des souvenirs lointains qu’il ne remarqua pas la présence d’une autre personne. Il ne s’en aperçu qu’au dernier moment, quand la lame d’un katana vint se retrouver à sa gorge. Shin ne réagit pourtant pas, se demandant simplement ce qui se passait. Et quand une voix vint tout à fait le sortir de ses pensées, il se rendit compte d’une chose. Comme d’habitude, les ennuis venaient à lui. Pourtant, il aurait aussi bien ne rien pu arriver car le jeune homme ne semblait avoir aucune réaction. Certes, il pourrait se dégager. Ce serait facile, un simple mouvement de la main et il pourrait tenir la lame du katana. Mais nostalgique, il ne fit rien.

« À quoi bon. » répondit-il d’un ton neutre. Après tout, le danger était partout. Il le savait. Mais il ne craignait pas assez la réalité pour avoir peur de la subir. Et encore moins pour s’en méfier en restant sur ses gardes. Malgré tout, si la lame sous sa jugulaire bougeait d’un seul millimètre, il finirait bien rapidement par la tenir dans sa main. Et qui sait, observer d’un peu plus près le lâche qui ne lui faisait guère face.

Si elle pouvait le voir, où qu’elle soit, elle était probablement entrain de l’insulter. Ah, si elle avait été là, elle l’aurait déjà étranglé de ses propres mains. Mais elle n’était pas là. Elle ne serait plus jamais là. C’était bien pire que n’importe quel coup de poignard. Il ne pouvait souffrir physiquement. Et s’il ne l’avait jamais connu, il n’aurait probablement jamais souffert de sa vie. Mais son absence était dévastatrice. Meurtrière. C’était douloureux. Et il connaissait plus de souffrance qu’il n’en avait jamais connu. L’homme vint lui faire face. Il était bien plus grand, habillé tout en noir. Ses yeux étaient rouge sang. Elle aurait adorée l’avoir en face d’elle.

Bien qu’il sente la lame du katana s’appuyer un peu plus contre sa gorge, il ne bougea pas. Shin ignorait s’il souhaitait mourir. Peut-être qu’au fond, c’était bel et bien son plus cher souhait. Mais avoir peur de la mort ? Lentement, il bougea sa main, posant le bout de son index et de son majeur sur la cage thoracique de l’homme en face de lui. À l’emplacement exact du cœur.

« J’ai un canif dont je pourrais me servir. Que je pourrais tenir à cet instant. Et même si tu me tranchais la gorge, je pourrais encore te transpercer le cœur avec. »

Il ne porterait pas ses mains à sa gorge. Il étoufferait dans son sang. Certes. Mais sans douleur, il pouvait asséner un dernier coup. Ne fusse que pour s’amuser. Cependant, il laissa sa main retomber, comme si de rien n’était. Il avait répondu à la question. Et faisant allusion à sa réponse négative, il posa à son tour une question à l’homme aux yeux rouges.

« C’est lassant, n’est-ce pas ? »

La pluie continuait à tomber, inlassablement. Si l’homme aux yeux rouge ne se trouvait pas devant lui, il aurait probablement le regard rivé vers un point que seul lui pouvait voir. Il n’était pas fou. Aucune folie quelle que soit son genre ne l’habitait. Pourtant, aux paroles de l’homme, il pu se rappeler une chose qu’il oubliait facilement. Il pu se rappeler un sentiment de rage tel qu’il en avait perdu tout contrôle. Il pu se rappeler la voix et les paroles suppliante de ce dealer, qui ne survécu que très peu de temps. Pourtant, c’était un souvenir enfuis. Présent mais absent à la fois. C’était lui qui en était la cause, mais en même temps, il n’y était pour rien. Ou du moins, il ne pouvait plus s’en rappeler. Toujours inexpressif, Shin observa l’homme se calmer.

« Quand on ne craint la mort, on ignore la peur. Tes dires sont justes. » Et il pouvait tellement bien comprendre l’envie de donner la mort qu’à cet instant, il se devait d’abstenir toute pensée qui pourrait presque le pousser à s’identifier à l’homme en face de lui. Mais ce dernier n’était-il pas apparu avec l’envie de tuer ? Un fait et ce qui semblait presque une pointe de regret qu’il ne le faisait pas. Se rendre compte qu’on veut réellement mourir a quelque chose d’ironique. « J’en serais capable. Mais contrairement à tes précédentes intentions », qui, s’il ne se trompait pas, étaient de lui trancher la gorge ou même de s’amuser avec sa vie, « je n’en ai pas envie. »

Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne le ferait pas, après tout, seule la volonté était différente. Cet homme faisait le mal en tuant, certainement. Shin pouvait et avait déjà fait le mal. Mais il était bien trop indifférent au monde pour mettre de côté sa fainéantise et s’amuser à cela. Il ne ripostait que quand il était provoqué. Et ses ripostes étaient violentes. Qu’importe ses envies au sujet concerné.

Il n’avait plus plaisir à grand-chose. Et puis, à quoi bon ? Voir la vie quitter un être pouvait peut-être en rendre heureux quelque uns, mais il n’en faisait pas partie. Il pouvait être sadique, certes, mais il n’était pas forcément un psychopathe dans l’âme. Bien que certaines morts pourraient peut-être réveiller en lui un certain sentiment de joie. Il ne demanda pas à l’homme ce qu’il avait donc bien pu faire pour le déranger. Il avait comprit. Mon Dieu, Ayame l’aurait vraiment adoré ce gars.

« Je ne peux juger ce que je n’ai jamais essayé. » Et admettre un possible meurtre qu’il avait peut-être commis ou non à un parfait inconnu était ridicule, sans parler qu’il devait encore se rappeler s’il avait eu quelconque plaisir à entendre les cris d’un homme qu’il n’était pas sûr d’avoir tué. « Tu sais qu’on dit que les tueurs manque de quelque chose. » Et il serait presque capable de croire que cet homme manquait de discussion. Presque.